Quinze ans après la fermeture de la Maison de couture Yves Saint Laurent  et quelques semaines après la disparition de son compagnon et mécène Pierre Bergé, Paris rend hommage à un des plus grands couturiers du XXème siècle, le « petit prince de la mode ». Mardi 03 octobre le projet du premier musée dédié à un couturier, le Musée Yves Saint Laurent, a enfin vu le jour. L’hôtel particulier de l’avenue Marceau qui avait abrité la Maison de couture (Yves Saint Laurent) jusqu’au moment de sa cession à François Pinault en 2002 et ensuite la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, est aujourd’hui devenu un musée.

Un musée pas comme les autres, qui alterne le côté rétrospective au côté immersion dans l’intimité d’un artiste. Un hommage au talent du créateur soutenu par la volonté de son compagnon et cofondateur de la Maison, Pierre Bergé, qui voulait faire durer et rayonner dans le temps l’œuvre d’Yves Saint Laurent. Au rez-de-chaussée on est accueilli par le célèbre portrait de Saint Laurent réalisé par Andy Warhol, puis commence le voyage dans le processus créatif du couturier. Yves Saint Laurent, après une jeunesse passée en Algérie, des études de dessin et une carrière chez Christian Dior comme assistant et ensuite directeur artistique après la mort de ce dernier en 1957, rencontre l’homme qui changera son destin, Pierre Bergé. Avec lui, il fonde sa propre maison de couture en 1962 et commence à réécrire l’histoire de la mode française.

Voilà que la deuxième salle nous plonge tout de suite dans la pénombre des pièces iconiques du style Yves Saint Laurent : du tailleur à la saharienne, du jumpsuit jusqu’au trench-coat, elles ont toutes un point commun, l’appartenance au vestiaire masculin. L’appropriation de ce vestiaire et son adaptation au corps féminin ont contribué à créer le style Saint Laurent qui a « donné le pouvoir aux femmes », en accompagnant leur émancipation.

L’exposition se poursuit à travers les sources d’inspiration du couturier, de l’Espagne à l’Afrique, de l’Inde jusqu’à la Russie, l’exotisme des terres lointaines. Comme il l’aimait affirmer, « Mes plus beaux voyages je les ai faits avec des livres, sur mon canapé, dans mon salon ». Une pièce qu’on ne cesse d’admirer est la magnifique cape orange couverte de bougainvilliers brodés qui évoquent le jardin Majorelle à Marrakech. Mais les créations de Monsieur Saint Laurent sont aussi un parcours à travers l’histoire de la mode et ses différentes époques : vestales de l’antiquité romaine, robes de la Renaissance, robes d’aristocrates ou de courtisanes, elles suivent l’évolution de la société selon les nombreux courants qui l’ont caractérisée.

 

Par les escaliers on accède à la pièce centrale de la visite, le Studio et ce n’est pas sans un peu d’émotion que j’ai franchi le seuil. La sobriété et la luminosité de ce lieu frappent par le contraste avec la somptuosité des salons de l’hôtel particulier. L’atelier où Yves Saint Laurent a travaillé pendant presque trente ans est en parfait accord avec l’atmosphère dont il avait besoin. Au fond de ce vaste espace neutre, le miroir occupe tout le mur du fond, comme pour mieux souligner son rôle principal : c’est ici que le couturier examinait le reflet du mannequin pour en apprécier le vêtement. Mais l’élément le plus touchant reste le bureau, d’une simplicité remarquable : une planche en bois posée sur deux tréteaux. Ici on retrouve ses objets fétiches, ses crayons, ses lunettes, sa blouse blanche sur le rebord de la chaise et la gamelle de son chien Moujik. Et on dirait presque que l’âme du couturier puisse surgir d’un moment à l’autre et se remettre au travail.

 

Les coulisses des défilés, les dessins des scénographies en face des bijoux des collections, la robe de mariée qui reproduit les colombes de Georges Braque, l’exposition se clôture sur le lien avec l’art, qui tant inspira la créativité d’Yves Saint Laurent. Le petit prince de la mode nous dit adieu dans la vidéo où il prend son congé en 2002 mais sa mémoire vivra à jamais.

 

 

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